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L’envers des décors de Richard Peduzzi

Des cimaises bleues, des chaises pratiquant la voltige, des poufs en habit d’Arlequin… D’ordinaire homme des coulisses, le peintre, scénographe et décorateur Richard Peduzzi se met en scène dans l’exposition « Perspective », sous l’égide du Mobilier national, à voir jusqu’au 31 décembre à la Galerie des Gobelins, à Paris. A 81 ans, celui qui fut le complice pendant plus de quatre décennies de Patrice Chéreau (1944-2013) partage avec l’Américain Bob Wilson l’art de concevoir des décors de théâtre allant jusqu’au mobilier, sa première assise ayant été conçue pour la reine Hermione dans Le Conte d’hiver, de Shakespeare, à Avignon, en 1988. « Dessiner une table ou un décor, c’est s’attaquer à l’espace et à la forme ; c’est le moyen que j’ai trouvé de construire ma peinture », résume l’artiste, l’œil pétillant sous une grande mèche poivre et sel.
Pénétrer dans la Galerie des Gobelins, c’est donc entrer dans le petit théâtre de Richard Peduzzi, que cet autodidacte a orchestré dans le moindre détail, comme ses crayons de couleur qu’il taille au couteau Opinel – « la pointe en est plus fine » – ou ses maquettes de scène qu’il a fait peindre et repeindre jusqu’à l’exacte teinte, en coloriste averti. Il est l’exigence faite homme, ne souhaitant « surtout pas de décoration théâtrale, mais des volumes à base de lumière et de murs ».
La Galerie des Gobelins et ses hautes fenêtres baignées de lumière ? « C’est un si beau lieu : j’ai voulu jouer avec le vide sans l’encombrer », déclare-t-il. Ici, une cinquantaine de meubles dialoguent sur deux étages avec une centaine de ses dessins et peintures, et une dizaine de maquettes de scènes de théâtre ou d’opéra. Dès l’entrée trône l’iconique rocking-chair en « S » – non pas la version de 1992 en merisier, son premier travail au sein de l’Atelier de recherche et de création du Mobilier national (à voir au premier étage), mais la dernière-née, en métal. Dans les deux cas, une prouesse technique, car constituée d’une seule bande d’un même matériau se déroulant comme un ruban en arc de cercle. « J’aime l’idée qu’un meuble semble être fait en un seul souffle », lâche Richard Peduzzi.
Derrière cette pièce virtuose, d’autres meubles malicieux semblent attendre un lever de rideau pour faire leur tour de piste. Voilà une table dont les deux rallonges peuvent s’échapper du plateau, chacune devenant console ; une table basse qui s’ouvre comme les pétales d’une fleur sur un coffret secret ; une autre dont les cubes acidulés coulissent et changent de place, tel un Rubik’s Cube. Pièce maîtresse, ce lustre XXL équipé de bougies multicolores mais aussi de LED, qui se hisse et se descend à l’aide de contrepoids et d’une poulie, de façon théâtrale. « Il est inspiré d’un chandelier d’église dans le film Le Casanova de Fellini », s’excuse presque Richard Peduzzi.
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